Interview Marc Roquette : « Je crois fondamentalement à la possibilité d’un monde plus beau»

Photos Pierre LE MASSON

Le plus connu des 200 actionnaires du géant amidonnier mondial de Lestrem nourrit une pensée féconde sur une humanité rassemblée et en harmonie avec l’exploitation de ses ressources naturelles, entre chimie végétale et énergies renouvelables. Entre la technique et l’émerveillement..

 Pourquoi commencez-vous toutes vos conférences par le glucose ?

« Ce glucide est la molécule de la vie. Il nous parle à la fois de nos origines les plus lointaines et de notre avenir. Mes grand-parents fondateurs de Roquette ont commencé à travailler la fécule de pomme de terre pour l’industrie textile en 1933 et ils parlaient déjà du glucose qui est la matière première des amidons que nous transformons dans nos usines. Toute la biosphère, tout notre monde est issu de cette molécule dont le pétrole et tous ses dérivés sont également issus. Ces sucres, on peut les fermenter en cuves. Le glucose est mangé par des bactéries, des champignons ou des levures (comme chez Lesaffre à Marcq-en-Barœul). Ces millions de micro-organismes sont cultivés pour un nombre infini de produits : c’est la chimie végétale qui, grâce à la fermentation, remplacera de plus en plus la chimie organique, celle du carbone qui consomme encore 10 % du pétrole mondial. Et là, l’essentiel reste à faire.»

Bientôt un monde vraiment sans pétrole ?

« Bien sûr. Le basculement massif de la chimie du pétrole vers celle du végétal est amorcé, comme on le voit déjà pour l’éthanol, pas celui du carburant mais celui de la chimie avec ces milliers de tonnes produites entièrement à partir de cannes à sucre, de betteraves ou de céréales. On sait faire des chaussures de sport à partir des végétaux, avec les mêmes qualités et bientôt, sans doute, sans surcoût. C’est ce qu’on appelle la chimie biosourcée. Elle s’imposera avec les difficultés d’extraction du pétrole et en fonction du cadre fiscal. Les énergies fossiles ont été utiles au progrès technologique mais elles sont dépassées et inutiles à présent. D’autant que le CO2 rejeté par leur exploitation ne peut plus être stocké par les océans et qu’il s’accumule dans l’atmosphère en réchauffant le climat, tout comme la chaleur du nucléaire finit dans les mers. C’est crucial : les énergies renouvelables ne dérèglent pas l’équilibre thermodynamique de la Terre conçue globalement comme un être vivant. On voit aussi, déjà, que ces énergies sont de plus en plus compétitives par rapport au pétrole qui n’intègre pas le coût exorbitant de ses externalités négatives, tout ce qu’on doit payer en dehors de son prix facial au baril (impacts sur l’environnement ou la santé). »

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