Greenhushing : quand les entreprises ne communiquent plus sur leurs actions environnementales

Elles ne communiquent plus ! Depuis quelques mois, une nouvelle tendance émerge : celle du greenhushing, comprenez le fait de ne plus communiquer sur ses actions environnementales. Peur du greenwashing ? Règlementation contraignante ? Le phénomène est nouveau. Décryptage avec Mathis Navard, Docteur en Sciences de l'information et communication (ISI) à l’Université de Poitiers.

Silence radio. Depuis quelques mois, certaines entreprises ne communiquent tout simplement plus sur leurs objectifs environnementaux, ou voient à la baisse leur ambition. Ce nouveau phénomène appelé greenhushing, ou écosilence, consiste à diminuer ses communications sur ces sujets, voire à les supprimer. Les raisons ? D’une part la peur du greenwashing, d’autre part la peur d’être sanctionné face à une législation qui s’est peu à peu durcie avec le temps. Si le phénomène est récent, il s’accélère. « Il y a eu une forte période de greenwashing, l’exemple le plus emblématique étant celui de Volkswagen en 2015 et sa fraude lors des tests antipollution. Avant, les entreprises axaient leurs messages sur des produits verts, depuis les communications ont évolué vers la neutralité carbone. Avec la loi Climat et Résilience, il n’est plus possible de s’exprimer sur ce type de messages » explique Mathis Navard, Docteur en Sciences de l'information et communication (ISI) à l’Université de Poitiers. Car depuis le 1er janvier 2023, les annonceurs ont l’interdiction d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone. D’autres mentions sont également interdites comme « biodégradable » ou « respectueux de l’environnement ». « La France a beaucoup légiféré autour des communications environnementales, nous sommes plutôt pionniers. L’interdiction de mentionner la neutralité carbone dans les communications permet, dans l’esprit de la loi, d’éviter qu’une entreprise se dise neutre, et qu’elle communique sur une partie de son Bilan Carbone, par exemple le scope 1 typiquement, avec les émissions directes, alors que ce même bilan intègre des données, comme les émissions dites indirectes, le scope 3, qui peuvent complètement changer la donne en matière de neutralité ».

Des profils différents autour de la pratique du greenhushing

Mais le fait de ne plus communiquer sur ses actions environnementales pose un certain nombre de défis, que ce soit par peur du greenwashing ou par peur d’être sanctionné. « Avant, il y avait effectivement du greenwashing, mais nous avions une sorte de compétition pour aller vers des procédés plus respectueux. C’était un avantage concurrentiel. Le fait de ne plus en parler, ce n’est plus un sujet, il n’y a plus d’émulation, et cela peut être dangereux » ajoute Mathis Navard. Si peu d’études existent, le sujet commence à émerger timidement dans la presse. Le cabinet de conseil suisse South Pole est l’un des premiers à aborder le sujet. Il explique par exemple que 18 % des 1 400 entreprises interrogées à travers le monde dans le cadre de son étude, déclarent ne pas avoir l'intention de rendre publics leurs objectifs Science-Based Targets (SBT) qui permettent aux entreprises de définir des objectifs de réduction des émissions grâce à des données scientifiques. L’étude fait également ressortir d’autres profils, parmi ceux qui ne communiquent plus. Par exemple, 88 % des entreprises interrogées travaillant dans des secteurs tels que les énergies renouvelables ou le recyclage, ont admis avoir réduit leur communication externe. Un chiffre qui dépasse tous les autres secteurs examinés, surpassant même ceux travaillant dans le pétrole et le gaz (72 %). Des chiffres « surprenants » pour le cabinet qui ajoute que « 93 % de toutes les entreprises de ce secteur prétendent être en bonne voie pour atteindre leur objectif de zéro émission nette ». Si certaines entreprises revoient leurs ambitions à la baisse, d’autres continuent d’agir mais sans communiquer. « Le sujet peut rester une priorité mais l’information n’est plus partagée. C’est un phénomène communicationnel, il peut y avoir des effets sur les pratiques. Il sera intéressant d’observer les nouvelles formes de communication qui émergeront ».