Le télétravail : un défi essentiel aujourd’hui, une pratique incontournable demain

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 Lucile Janssoone, chef de projet RSE et Mobilité Durable

En quelques semaines, le travail à distance est passé du statut de pratique marginale à celui de pratique indispensable pour le maintien de l’activité de nombreuses entreprises. La crise que nous traversons a rendu essentiel de pouvoir continuer à travailler à distance des bureaux, afin de pouvoir concilier le maintien d’une activité économique et le respect des mesures de confinement. Mais si la pratique du télétravail était déjà en plein essor dans les entreprises scandinaves et anglo-saxonnes, elle était beaucoup moins développée dans les entreprises françaises. Ces dernières sont aujourd’hui contraintes de s’adapter dans l’urgence et parfois à rebours de leur culture managériale. Il est crucial d’accompagner les entreprises dans cette transition à marche forcée et de se tenir à l’écoute des dirigeants et des managers. D’autant plus que la généralisation du télétravail, organisé dans des conditions plus sereines, pourra nous aider à repenser nos pratiques quotidiennes et nous préparer à faire face à un autre défi : celui de l’urgence écologique.

Avec un tiers de l’humanité confinée, la crise à laquelle nous faisons face est un véritable défi pour nos économies. Pour de nombreux métiers du secteur tertiaire, le télétravail s’impose comme le seul moyen pour maintenir une activité minimale et apparait comme une brique essentielle de la résilience des entreprises.

La France n’était malheureusement pas la mieux préparée pour faire face à ce défi. Selon une étude de la Dares datant de 2017, 3 % des salariés seulement pratiquaient le télétravail au moins un jour par semaine et 7 % des salariés occasionnellement[1]. En Europe le télétravail concerne en moyenne 20 % des salariés, avec des taux à 30 % dans les pays scandinaves[2]. La raison généralement avancée pour expliquer ce retard est celle d’une culture managériale française reposant trop souvent sur le contrôle et le micro-management, incompatibles avec une pratique qui exige confiance et autonomie.

Cette crise sanitaire est venue bouleverser nos pratiques. Depuis le 17 mars et l’annonce du confinement, les entreprises n’ont pas eu d’autre choix que de s’adapter et d’étendre au maximum la pratique du télétravail, et ce au domicile des collaborateurs. Plus question de se « rassurer » en proposant des places en centre de coworking ou en réservant uniquement certains jours au télétravail. Selon un sondage Odoxa paru le 9 avril[3], le télétravail est maintenant pratiqué par un français actif doté d’un emploi sur quatre (24 %). L’Association nationale des DRH (ANDRH) estime que 95 % des organisations membres de son réseau y ont actuellement recours[4]. Avec un déconfinement qui s’annonce progressif, on peut s’attendre à ce que cette dynamique se renforce et que la pratique soit étendue à un nombre plus grand de salariés. D’autant plus que le potentiel de conversion de l’économie française est encore loin d’être atteint. Selon le Ministère du Travail, près de 4 emplois sur 10 seraient compatibles avec cette pratique[5].

Pour certaines entreprises et organisations, le travail à distance était déjà une pratique développée. En 2019, Pôle Emploi avait déjà fait passer ¼ de ses équipes en télétravail et l’entreprise Rabot Dutilleul, avait commencé à expérimenter la pratique pour certains de ses salariés dès 2018. Des petites entreprises comme la boucherie Lesage & Fils s’étaient déjà également converties pour des raisons de sécurité et de qualité de vie au travail. Pour celles-ci, l’adaptation est plus douce et elles profitent d’une organisation déjà rodée.

Mais pour les autres, cette adaptation à marche forcée est un véritable défi. Les adaptations ont dû être faites dans l’urgence. Il a fallu équiper les salariés, les former aux logiciels de collaboration à distance et faire évoluer l’organisation du travail en un temps record. C’est souvent toute une culture d’entreprise qui se trouve chamboulée dans une période très anxiogène. Le télétravail expérimenté pendant le confinement n’est donc malheureusement pas réalisé dans des conditions optimales, ni les entreprises, ni les collaborateurs n’ayant eu le temps de s’y préparer. Il existe donc des risques psycho-sociaux non négligeables auxquels les dirigeants d’entreprises doivent être particulièrement vigilants. Pour réaliser au mieux cette transition, il est indispensable d’accompagner les entreprises qui en ont besoin. Il faut les aider à identifier les risques et favoriser les échanges de bonnes pratiques. Ceci pourra leur permettre de capitaliser sur ce qui a été vécu et de pérenniser la pratique du travail à distance de manière plus sereine.

L’expérience que nous vivons actuellement est d’autant plus importante que le télétravail est voué à occuper une place grandissante dans nos façons de travailler.  Premièrement parce qu’à mesure que le télétravail se généralise, collaborateurs et dirigeants découvrent les bienfaits d’une pratique particulièrement bien adaptée à nos économies de la connaissance. Le télétravail, en offrant aux travailleurs des conditions qui permettent un haut niveau de concentration, à distance des nuisances et des sources d’interruptions de l’Open Space, peut permettre une hausse substantielle de la productivité et favoriser l’innovation et la créativité. Selon une étude du ministère du Travail, les gains de productivité en télétravail sont en moyenne de 22 % et la pratique obtiendrait un taux de satisfaction de 96 % chez les parties prenantes (télétravailleurs, managers, et employeurs)[6]. Selon une étude de Colliers International, 71 % des personnes qui n'avaient jamais travaillé à domicile avant la crise sanitaire aimeraient travailler à distance au moins un jour par semaine à l'avenir[7]. Face à un tel succès, il y a fort à parier que le télétravail sera un élément indispensable des stratégies RH pour attirer et fidéliser les collaborateurs.

Et surtout, le travail à distance peut nous aider à faire face à un autre défi planétaire : celui du réchauffement climatique. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), les trajets domicile-travail et déplacements professionnels « sont les activités de bureau les plus émettrices de gaz à effet de serre : 12 Mt/an[8]». La généralisation du télétravail permettrait ainsi de contribuer de façon importante aux objectifs de réduction des émissions de CO2. Le télétravail a toute sa place dans les Plans de Mobilité (PDM) des employeurs, aux côtés de la promotion du vélo, des transports en commun ou du covoiturage. Ces deux derniers devront d’ailleurs relever un énorme défi : organiser la promiscuité qui les caractérise tout en respectant ces fameux gestes barrières !

Un grand défi s’offre donc à nous. Mais si nous le relevons ensemble, il peut s’avérer essentiel pour notre avenir.

Lucile Janssoone

Chef de Projet RSE et Mobilité Durable

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[5] https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/coronavirus-et-monde-du-travailRappelons que le télétravail ne peut être effectué que pour certains métiers relevant du secteur tertiaire et qu’une partie des salariés de notre tissu économique sont contraints au chômage technique ou partiel, tandis que ceux dont les missions se révèlent essentielles au bon fonctionnement de notre pays continuent de travailler malgré les risques