Sublimeurs : « La solidarité interentreprise est loin d’être évidente. Elle est pourtant vitale »

L’engagement dans l’économie responsable n’est pas seulement une position individuelle propre à chaque entreprise. Lorsqu’il s’agit de traverser une crise, c’est la mobilisation de toute une chaine de valeur qui fait la différence.

Sublimeurs en sait quelque chose. Alors que la crise sanitaire touchait de plein fouet le secteur de l’agroalimentaire, le réseau de la gastronomie responsable a lancé un appel à l’engagement des entreprises à payer leurs fournisseurs et à signer une charte de bonnes pratiques d’affaires.  Cette charte fait désormais partie intégrante du contrat d’adhésion du réseau. Avec Albane Fromantin, cheffe de projet RSE, nous revenons sur ce défi de faire dialoguer et travailler ensemble des acteurs parfois très différents.

 

equipe sublimeurs

 

Pouvez-vous nous présenter Sublimeurs ?

Sublimeurs, c’est un réseau d’acteurs de la gastronomie responsable qui rassemble aujourd’hui une centaine de professionnels (chefs cuisiniers, artisans, producteurs…) de la MEL et de la Région. Notre but : faire rayonner la gastronomie durable, mettre en valeur ses acteurs et favoriser les collaborations.

Sublimeurs est aussi une agence culinaire engagée qui accompagne au quotidien les restaurateurs, les dirigeants de marques alimentaires et les acteurs de la gastronomie dans leur rayonnement en les orientant vers les nouvelles tendances de la gastronomie responsable et durable.

Nous accompagnons nos partenaires dans leur stratégie de communication : rayonnement sur les réseaux sociaux, développement de sites internet, créations graphiques, shootings photos, création de recettes, conception d'évènements culinaires...

 

Pendant cette crise sanitaire, vous avez lancé un appel à l’engagement des entreprises à payer leurs fournisseurs et à signer une charte de bonnes pratiques d’affaires. Comment est née cette charte ?

Le paiement des fournisseurs a toujours été une question très sensible dans le secteur de l’agroalimentaire, notamment parce qu’il réunit des acteurs de toutes tailles et de tous types qui connaissent des problématiques très différentes. Mais les tensions se sont accentuées pendant la crise sanitaire. Certaines entreprises ont choisi de suspendre leurs paiements pour pouvoir continuer à verser les salaires de leurs employés et passer cette période difficile. La logique en soi n’est pas absurde, mais elle grippe toute la chaine de valeur et empêche des dizaines d’autres entreprises de vivre. Encore aujourd’hui, certaines ont du mal à repartir car elles ont beaucoup d’argent « dehors ».

Nous avons donc très rapidement lancé un appel à la solidarité afin que les entreprises du secteur s’engagent à payer leurs fournisseurs. Ce n’est bien sûr qu’une petite pierre de notre part pour aider à la résilience de notre écosystème, mais il faut bien se rendre compte de l’ampleur d’un tel engagement pour un entrepreneur de l’agroalimentaire en pleine crise sanitaire. Nos signataires nous ont parfois confié avoir signé cette charte avec un nœud au ventre car ce sont des périodes difficiles où leur survie peut être en jeu.

 

« Si la crise nous a appris quelque chose, c’est que pour fédérer des acteurs autour d’engagements aussi forts, il est indispensable de communiquer »

 

Qu’est devenue cette charte depuis ?

Nous avions lancé cette charte dans l’urgence. Mais à la suite des retours de nos signataires, nous avons décidé de la transformer. Si la crise nous a appris quelque chose, c’est que pour fédérer des acteurs autour d’engagements aussi forts, il est indispensable de communiquer. Il faut prendre le temps de parler, d’expliquer la démarche aux dirigeants, aux salariés et aux parties prenantes.

Nous avons donc commencé par écrire une charte plus longue, puis nous nous sommes rendu compte que nous étions en train de reprendre nos valeurs intégrées à la charte Sublimeurs, écrite il y a 2 ans et partagées à tous nos adhérents, en y ajoutant une dimension économique de bonnes pratiques d’affaires. Nous avons finalement rédigé une charte beaucoup plus exigeante, mais aussi beaucoup plus globale car le fait de payer ses fournisseurs n’est qu’une petite partie d’un engagement d’ensemble.  

Ce que nous avons écrit relève pour nous du bon sens : favoriser les circuits locaux, privilégier la qualité des produits, prendre en compte ses impacts environnementaux et sociétaux, être conscient de ses parties prenantes et favoriser la coopération, … tout cela apparait comme naturel. Mais la crise du COVID 19 a fait ressortir plus que jamais l’importance de ces valeurs. L’engagement est d’abord un choix, c’est vrai, mais il peut aussi être un choix vital !  Car dans une chaine de valeur, si un maillon se brise, c’est tout l’écosystème qui va en pâtir.

Maintenant cette charte fait partie de notre contrat d’adhésion que nous faisons signer à tous nos nouveaux adhérents. Et nous la ferons signer aux anciens au moment de leur renouvellement. C’est plus logique d’avoir inscrit cette charte dans notre contrat d’adhésion car il est indispensable d’être en contact avec les signataires pour leur expliquer sa philosophie.

 

« L’engagement est d’abord un choix, mais il peut être un choix vital !  Car dans une chaine de valeur, si un maillon se brise, c’est tout l’écosystème qui va en pâtir. »

 

Qu’est-ce que la crise a changé dans l’engagement de Sublimeurs ?

Ce qui a changé n’est pas tant notre discours, mais la façon dont il est perçu. Nous avons toujours eu une communication tournée vers l’engagement responsable. Mais auparavant, pour ceux qui ne s’identifiaient pas eux-mêmes comme « engagés », notre position pouvait parfois être interprétée comme « élitiste ». Il est vrai que parfois, les acteurs engagés peuvent avoir un certain dédain vis-à-vis des autres acteurs de leur écosystème.

Mais avec la crise, notre discours est devenu complétement actuel ! Tout le monde a bien vu que ces engagements nous concernaient tous sans distinction ! Car si la solidarité interentreprise est loin d’être évidente, elle est pourtant vitale.

 

« Faire parler tous les acteurs de la gastronomie, les gros, les moyens comme les petits, et apprendre à travailler ensemble, c’est le défi que nous tentons de relever et c’est la philosophie que nous souhaitons mettre en avant. »

 

Nous ne sommes pas un label, nous ne mettons pas de notes et nous ne donnons pas de leçons. Tout le monde peut être Sublimeurs tant qu’il y a une volonté d’évolution, d’engagement, de coopération et de responsabilité. Faire parler tous les acteurs de la gastronomie, les gros, les moyens comme les petits, et apprendre à travailler ensemble, c’est le défi que nous tentons de relever et c’est la philosophie que nous souhaitons mettre en avant.

Si vous aviez un seul conseil à donner aux acteurs de l’agroalimentaire, quel serait-il ?

Faire une cartographie de ses parties prenantes ! On a toujours beaucoup de gens qui dépendent de nous, et dont nous dépendons. Réfléchir sur les acteurs qui nous entourent est très important. Et cela peut aussi ouvrir de belles opportunités économiques.