Les Collectifs : le salariat comme voie d’engagement

C’est un mouvement qui prend de plus en plus d’ampleur : partout en France, des salariés se réunissent pour transformer leurs entreprises de l’intérieur. Début avril, une association réunissant ces groupes de salariés a vu le jour : Les Collectifs. Rencontre avec Eva Comble, ingénieure chez EDF, membre d’un réseau de salariés ayant rejoint Les Collectifs.

 

210604 eva comble les collectifsUn réseau fédérant des réseaux. Début avril, une nouvelle association a vu le jour en France : Les Collectifs. Celle-ci regroupe des réseaux de salariés qui ont décidé d’agir sur les sujets environnementaux et sociaux pour transformer leurs entreprises de l’intérieur. Il en existe aujourd’hui plusieurs dizaines dans de grandes entreprises telles que Michelin, Axa ou EDF. « L’idée était de créer du lien, un réseau, une communauté entre ces collectifs pour gagner en impact et en soutien » explique Eva Comble, ingénieure chez EDF et membre du collectif interne « le Rhizome » ayant rejoint l’association. « Il y a beaucoup d’actions sur le lieu de travail, la logistique, le bâtiment, qui sont duplicables et que l’on peut partager. L’objectif des Collectifs est de pouvoir partager ces expériences. Nous souhaitons également, dans un second temps, créer des formations avec des professionnels pour apporter de l’information à ces salariés. L’ambition des Collectifs est d’être un acteur de la transformation de l’entreprise ». Ces groupes s’inscrivent comme une voie supplémentaire, une nouvelle force qui vient en complémentarité des autres voies d’engagement. « Nous sommes un nouveau faisceau d’idées : tout ne doit pas venir des directions RSE ou des dirigeants, le sujet est suffisamment large et urgent pour que tout le monde puisse s’en saisir. Il y a de la place pour chacun d’entre nous. Au sein d’EDF, les initiatives que nous avons proposées ont été accueillies favorablement, notamment par la direction RSE ».

 

Le Rhizome, un réseau horizontal et interconnecté 

Chez EDF, qui compte 165 000 collaborateurs, de petits réseaux locaux se sont créés spontanément à Marseille, Tours, Grenoble ou Paris. L’année dernière, ils se sont regroupés au sein du Rhizome, le « réseau des réseaux ». « Ce n’est pas un lieu d’action mais d’inspiration et de partage des actions locales, de soutien et de ressources. Nous organisons des webinaires, où chaque réseau partage ce qu’il a fait, à Tours, à Grenoble, à Marseille etc. Dans les actions concrètes qui ont été déployées dans les business unit, nous avons eu la suppression des gobelets en plastique, le recyclage des masques, des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire comme la mise à disposition de paniers repas à emporter le soir, le recyclage des mégots ou encore la labellisation LPO des sites, actuellement en cours ». Le réseau « s’empare des sujets, défriche » mais « ne travaille pas tout seul », les salariés se rapprochant des équipes spécialisées afin de « passer par les bons canaux ». Lorsque des groupes de travail se montent à l’échelle de l’entreprise, autour de thématiques comme la mobilité, le Rhizome peut être sollicité, celui-ci se positionnant comme un vivier de salariés actionnable pour travailler sur ces projets. « Nous sommes déjà constitués en communauté et nous sommes des salariés intéressés pour avancer sur ces sujets ». Le Rhizome s’inscrit comme un guichet unique, où chaque réseau local peut capitaliser sur l’expérience de l’autre, dans une logique bottom-up. Celui-ci porte d’ailleurs bien son nom : en botanique, le rhizome est une tige souterraine, source de réserve alimentaire pour certaines plantes vivaces, à l’image des racines. « Il y a quelque chose d’interconnecté, d’horizontal : nous nous positionnons vraiment comme cela. Nous ne sommes pas des militants, ni en opposition. C’est l’affaire de tous, que l’on soit ingénieur, assistant, manager, opérateur, nous pouvons faire quelque chose ».

 

Le salariat comme voie d’engagement 

Car ces collectifs se veulent être une voie supplémentaire dans la transformation de l’entreprise. « Nous ne sommes pas des dirigeants, des responsables RSE, ni des syndicats. Nous sommes des salariés lambda. Le monde ne changera pas sans l’entreprise, c’est un levier énorme et le salarié peut lui aussi agir ». Pour Eva Comble, et Les Collectifs, le salariat représente une véritable voie d’engagement. « Certains trouvent qu’ils sont en décalage entre leur engagement personnel et professionnel, ils se sentent un peu dépossédés. On n’est pas obligé de démissionner, de créer sa startup, ou de se lancer dans le secteur associatif pour agir. Ce n’est pas la voie de tous ». Une vision qui ne vient pas en opposition à d’autres modes d’action : « nous avons besoin de tout le monde, à toutes les places ». Si le mouvement en est encore à ses prémisses, il essaime partout en France, de manière organique et naturelle. « C’est une voie d’action intéressante : l’entreprise dispose de moyens, il y a beaucoup de choses à faire si l’on change de regard sur ce monde-là » conclut Eva Comble.

 

Crédit photo : EDF