Conduite du changement : la voie de la mise en récits

Outil pour intensifier la conduite du changement, la mise en récits vise à créer des espaces de réflexion en associant l’ensemble des acteurs d’un territoire ou d’une organisation. Propice à la confiance, la mise en récits se veut être une nouvelle voie pour engager des transitions. Rencontre avec Emmanuel Bertin, directeur du Cerdd.

 

Subjectivités, manque de temps, conflits de loyauté : la conduite du changement se heurte aujourd’hui à de nombreux freins. Pourtant, elle est impérative dans toute démarche de transition. Pour l’intensifier, le Cerdd développe depuis plusieurs mois un nouvel outil, la mise en récits. Une communauté apprenante a ainsi vu le jour pour expérimenter cette nouvelle voie et donner des clés méthodologiques pour se mettre en « mode » récits. « Le point de départ est de se dire que l’on a du mal à conduire le changement. Nous sommes dans un modèle économique à bout de souffle et nous faisons face à des tas de freins psychologiques et culturels. L’idée est de travailler la mise en récits pour changer cela. Les éléments cartésiens, très factuels, comme le rapport du Giec, la crise du Covid, ne semblent pas provoquer de changements profonds. Les chiffres ne nous mettent pas forcément en mouvement, mais l’émotion sûrement. C’est ce qu’apporte la mise en récits : elle se fonde sur l’humain et leur histoire, leur vécu, c’est une façon d’être » explique Emmanuel Bertin. La mise en récits vise ainsi à créer des espaces, des lieux et des temps d’échange où des histoires alternatives peuvent émerger. Elle s’appuie sur de multiples outils : évènementiels, vidéos, ateliers d’écriture, reportages photos… « Lorsque des citoyens, des salariés ont un rôle à jouer dans un collectif, cela renforce le projet global. À Loos-en-Gohelle, des Ch'ti TedX sont organisés. Des entrepreneurs et des citoyens viennent présenter leurs projets. Là où c’est intéressant, c’est que ces personnes-là sont mises en valeur et donc encouragées. Si une mise en mouvement commençait à s’atténuer, elle retrouve son dynamisme. Les citoyens peuvent aussi être entraînés et cela leur donne envie de prendre part à ces projets. Dans la salle, se trouvent également les élus et les techniciens. Si l’entrepreneur ou le citoyen n’a pas eu de retours de la collectivité lors du lancement de son projet par exemple, les agents et les élus peuvent réagir. Il y a y un dialogue, une interaction qui s’installe. Cela crée une forme d’évaluation ». Tout ce qui compte, ne se compte pas toujours mais se raconte !

La mise en récits pour créer la confiance

Résultat de ces mécanismes : le développement de la confiance. La mise en récits se situe au carrefour de la démocratie participative et de l’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération. « Il s’agit d’attacher de l‘importance à une valeur immatérielle qui est la confiance. Derrière, cela démultiplie les projets ». La mise en récits peut à la fois être utilisée sur les territoires comme dans les organisations. « Dans une entreprise, l’idée est de créer des espaces réflexifs, propices à la discussion autour d’un projet, à rectifier la trajectoire ou à évoquer les conflits. Par exemple, un chargé de mission travaillant sur un projet peut partager les difficultés qu’il ou elle a rencontrées et dont les autres n’avaient pas forcément conscience. Cela permet de poser les choses et d’installer un climat de confiance ». La mise en récits repose ici sur deux grandes fonctions : la mise en mouvement et le management coopératif. Pour fonctionner, elle doit être portée par un groupe projets. Certains métiers, comme celui de chargé de communication, peuvent naturellement évoluer vers la mise en récits. Le Cerdd propose ainsi un kit d’animation, pour poser, avec des collaborateurs ou des partenaires, les bases d’une démarche de mise en récits autour d’un projet. La mise en récits permet également d’expliquer et de faire comprendre. « Je prends un exemple. Une mairie explique qu’elle n’a pas les moyens d’installer des bacs à fleurs. Les habitants se proposent d’en faire, mais la mairie refuse. Pourquoi ? Car il y a des normes à respecter en cas d’accident. Les choses ne sont donc pas aussi simples, il faut les expliquer ». L’objectif de la mise en récits est donc d’embarquer le plus de monde possible et de pouvoir inscrire une démarche de transition dans le temps. Pour transformer, par et grâce aux hommes et aux femmes qui l’incarnent, notre société en profondeur.

En savoir plus sur la mise en récits :