Finance durable : quels sont les contours de la CSRD ?

L’Union européenne a engagé un grand plan d’action autour de la finance durable. Parmi les nouvelles réglementations qui entreront en vigueur, la CSRD vient étendre le champ des exigences de l’actuel reporting extra-financier des entreprises (NFRD). Avec une nouveauté, et pas des moindres : le nombre d’entreprises concernées passera de 12 000 à 50 000. Décryptage avec Hélène Le Blond, Associée et Consultante Finance Durable au cabinet Fidures.

 

À l’occasion des Rencontres Entreprises Territoires Développement Durable, organisé par Auddicé, en partenariat avec le World Forum for a Responsible Economy, Hélène Le Blond proposait un focus sur la nouvelle réglementation qui sera transposée en droit français en octobre 2022 : la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). « Quand on parle de la CSRD, c’est une directive qui est logée dans un ensemble beaucoup plus large : le Pacte vert européen. Il contient, entre autres, deux grandes directives : la taxonomie, qui concerne principalement les établissements financiers (seront ici ciblés les flux qui viennent financer, investir et assurer) et la CSRD, qui cible les entreprises du secteur privé. L’objectif du législateur est d’orienter les flux financiers vers le développement d’activités vertes, et de soutenir les entreprises qui sont engagées ». Les entreprises devront désormais travailler sur un nouveau format de reporting, le « Rapport de Durabilité », qui se subsistera à l’actuelle Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF). 

 

La double matérialité

L’enjeu de cette réglementation est de lier encore plus fortement l’information financière et extra-financière. Pour cela, la CSRD introduit la notion de double-matérialité. « C’est une notion centrale. Il s’agit de l’impact de l’environnement sur l’activité de l’entreprise (exemple : l’impact du changement climatique sur le secteur agricole) et l’impact des externalités produites par l’entreprise sur la planète et les hommes. Pour le dire autrement, il s’agit de l’environnement sur l’entreprise et de l’entreprise sur son environnement, avec un double prisme : un premier au niveau des impacts et un second au niveau financier » explique Hélène Le Blond. L’objectif de la double matérialité est d’encourager les entreprises à s’adapter aux enjeux de demain et d’après-demain, tout en étant transparente sur les opportunités et risques auxquels elle est exposée. « Récemment, il y a eu une nouvelle réglementation sur les substances chimiques. Pour une entreprise du textile, cela pose des questions autour de la diversité des teintes qu’elle pourra proposer demain dans ses collections. Pour une entreprise d’extraction minière, l’accès aux ressources pose des questions sur sa pérennité. L’extra-financier et le financier sont intrinsèquement liés, c’est pour cela que l’on parle de rapport intégré ou de rapport de durabilité ».

Cette nouvelle réglementation vient également accroitre la transparence et la comparabilité. « Il y a actuellement pléthore de référentiels extra-comptables, et un flou terrible qui s’est installé. L’idée est de venir normaliser, pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité sur l’affichage de ses performances extra-financières. Ces données pourront être plus facilement comparées. Nous ne serons plus sur une obligation de moyens et d’engagement, mais bien sur une obligation de résultats ». L’ensemble de ces données sera recensé sur une plateforme mise en place par la Commission européenne (European Single Access Point - ESAP), qui centralise toutes les informations durables et financières des entreprises, permettant à chacun de comparer les activités des entreprises. L’audit sera quant à lui effectué par un organisme tiers indépendant.

 

Une nécessité de se préparer dès à présent

Si 12 000 entreprises étaient concernées par l’actuel reporting extra-financier des entreprises (NFRD), elles seront demain 50 000 à devoir se plier à l’exercice. Le périmètre de cette nouvelle réglementation est fortement élargi, impactant les entreprises répondant aux critères suivants : 250 salariés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 20 millions d’euros de bilan. « La marche est haute. La complexité de la CSRD, c’est que l’approche est très rigoureuse et méthodique. Les entreprises doivent s’y intéresser dès maintenant et il est nécessaire de se préparer. La plateforme impact.gouv porte sur des indicateurs centraux de la CSRD. Elle permet aux entreprises de s’initier à ces sujets qui seront, de fait, au cœur de cette nouvelle réglementation ». Car l’ensemble des entreprises sera concerné, d’une façon ou d’une autre : « Les petites entreprises qui ne rentreront pas dans le scope de la CSRD auront des demandes de plus en plus exigeantes de la part des établissements financiers. Il y aura aussi des effets d’engrenage : les entreprises non-impactées par la CSRD devront rester dans la chaine de valeur d’une entreprise qui elle, sera soumise à la CSRD. Si on a le choix entre trois entreprises dont deux qui sont actives sur ces critères, on délaissera celle qui ne s’est pas engagée. Séduit ou soumis, il faut y aller » ajoute Hélène Le Blond. « Pour autant, il y a de vrais leviers de croissance et des opportunités réelles pour les entreprises ». Un premier ensemble de normes sera adopté en octobre 2022. L’application de la CSRD est prévue à partir de 2025, avec la publication de rapports portant sur l’exercice 2024. La plateforme impact.gouv est quant à elle déjà en ligne.