Pocheco : correspondance avec le vivant

Précurseur ? Sans aucun doute. Depuis 1997, Pocheco, fabricant d’enveloppes biodégradables, se révèle être un accélérateur d’expérimentation. Son crédo : « entreprendre sans détruire ». Celle qui a pris le virage de l’écologie, bien avant que celle-ci ne devienne une tendance, partage aujourd’hui son expérience. Rencontre avec Elodie Bia ingénieure et co-fondatrice du bureau Ouvert et Emmanuel Druon, inventeur de l’écolonomie et Président de Pocheco.

 

210212 portrait ed eb pochecoEn parcourant le site où est implanté Pocheco, impossible de ne pas cerner ce qui caractérise l’identité de l’entreprise : l’écolonomie, où comment entreprendre sans détruire, en préservant les ressources et le vivant. Murs photovoltaïques, bambouseraie pour épurer les eaux usées, récupération des eaux de pluie, espaces de permaculture, corridors écologiques, refuge LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) : Pocheco est un laboratoire d’initiatives écologiques en perpétuel mouvement, qui teste, expérimente, échoue, parfois, mais toujours se relève. Cette transformation démarre en 1997, quand Emmanuel Druon prend la présidence de l’entreprise créée en 1928. Très vite, elle opère sa mue : « le changement a été un support pour reconstruire un projet commun et retrouver le sens du collectif » explique son directeur. « Pour pouvoir produire une enveloppe biodégradable, nous sommes allés chercher dès le départ, des matières premières de qualité. Pour la production de notre papier, dès qu’un arbre est coupé, quatre à dix sont replantés systématiquement dans le respect de la biodiversité ».

Si, 25 ans après, l’entreprise qui produit deux milliards d’enveloppes par an démontre que cela fonctionne, tout le monde n’a pas été convaincu : « Je me souviens de certains collègues qui, à l’époque, nous ont questionné sur ces choix. Ils sont revenus vers nous quelques années après en nous disant que nous avions raison » explique Elodie Bia. Sans la mobilisation de l’ensemble de l’équipe, la méthode de l’écolonomie n’aurait jamais vu le jour. « Quand on réduit la toxicité dans l’atelier en choisissant d’utiliser des encres à l’eau, naturelles et sans solvant, quand on n’a plus besoin de porter un masque, ce sont des choses visibles et concrètes » ajoute-t-elle. Des effets rapides, impactant le quotidien du salarié : une des clés pour Pocheco, qui s’appuie sur le triptyque qualité de vie et santé au travail, écologie et économie. « Au moment où nous automatisons les machines qui conditionnent les enveloppes en boîte, nous accompagnons ce changement en agissant sur les troubles musculo-squelettiques : chaque boîte pèse près de 5 kg et la machine en délivre une toutes les minutes ! À l’époque, nous nous sommes engagés : l’automatisation est là pour baisser la pénibilité, pas l’employabilité. On a gardé tout le monde et on a formé les salariés au contrôle qualité. À mes yeux, l’acceptabilité du changement est à ce prix ». L’ensemble de ces démarches est récompensé, en 2007 et 2011, lors des Trophées de l’Economie Responsable : « Je crois que c’est Réseau Alliances qui nous a mis le pied à l’étrier sur ces questions-là ! Nous avons énormément appris au contact des entrepreneurs du réseau » souligne Emmanuel Druon.  210212 pocheco imbriqué

 

Ouvert sur le monde

210211 citation pochecoFort de toutes ces expériences, Pocheco témoigne, lors d’événements à envergure internationale comme lors du World Forum for a Responsible Economy. Elle diversifie ses activités et fonde le bureau Ouvert, un lieu dédié aux entreprises et aux collectivités, qui les accompagne dans leurs projets de transition écologique, un premier pas pour celles et ceux qui ne savent pas toujours par quoi commencer. « On travaille sur l’analyse du cycle de vie : elle est fondamentale. Elle amène de la rigueur et permet de disposer d’informations précises » souligne Emmanuel Druon « et pas uniquement sur l’impact carbone. On intègre l’eau, l’énergie, la toxicité : le vivant est complexe » ajoute Elodie Bia. Ce diagnostic permet ensuite de mobiliser collectivement : « on s’appuie beaucoup sur la sociologie du travail pour élaborer un projet collectif. Une fois que celui-ci est pris en main par l’équipe, les idées viennent spontanément. On va faciliter la mise en œuvre et coordonner l’ensemble mais c’est bien l’équipe qui va décider de changer ses produits, de rénover son bâtiment… ». Le bureau Ouvert travaille ensuite sur deux autres piliers, à « l’efficacité très immédiate » : la mobilité – Pocheco participe à plusieurs ateliers Déclic Mobilités - et les corridors de biodiversité. « L’entreprise gagne 15 points de productivité si elle prend en compte le vivant : planter des arbres, arrêter de tondre la pelouse, laisser venir les insectes, les oiseaux, les petits mammifères : ça ne coûte pas cher. On a perméabilisé le site et récupéré 85% de la surface, aujourd’hui couverte de verdure. On participe à la reconstitution d’une trame verte et bleue. L’entreprise n’est pas hors sol et cela aura des effets extraordinairement vertueux sur notre territoire ». Lors de ses rénovations, Pocheco a d’ailleurs installé des fenêtres dans l’ensemble de ses ateliers : une ouverture essentielle sur le monde extérieur. Plus de 250 entreprises, tous secteurs confondus, ont ainsi été accompagnées aux quatre coins du monde. « Ça permet aussi de convaincre les nouvelles générations de l’intérêt de travailler dans la société. Nous avons eu beaucoup de témoignages de personnes qui testent les solutions écolonomiques et qui constatent que cela aide à fidéliser, mobiliser et attirer la nouvelle génération, c’est enthousiasmant  ! » poursuit Emmanuel Druon.

 

Les rencontres de l’écolonomie

C’est dans cette continuité que Pocheco lance les rencontres de l’écolonomie, un programme de formation sur 5 ans, dont la première session « la transformation créatrice » se déroulera les 8, 9 et 10 Juin 2021 en distanciel*. « On a choisi cette formule car la transformation d’une entreprise ne se fait pas sur deux jours » explique Elodie Bia. « Ça donne du temps au gens de se parler, de s’entretenir sur leurs résultats pour que l’on puisse subvenir à leurs besoins. Maintenant, si les entreprises veulent s’inscrire sur une année, c’est tout à fait possible ». Douze oratrices, telles que Corinne Lepage, Muriel Pénicaud, Marie-Odile Simonnot, Kalina Raskin, Geneviève Azam, proposeront des phases d’inspiration et des temps d’échanges avec la salle sur l’application concrète de leurs sujets. Le programme est riche, de « haut-niveau » : coopération, architecture écologique, informations du GIEC, création artistique, place des femmes, biomimétisme, réensauvagement... « Ce sont des expertises qui nous ont inspirées et qui nous sont utiles au quotidien dans la transformation que l’on continue de mener » précise Emmanuel Druon. Destinée aux dirigeants, DRH, directeur de la RSE qui « doivent trouver les clés pour se transformer », cette formation est menée en partenariat avec Actes Sud, l’Université Domaine du Possible et Réseau Alliances : « le fait d’être partenaire dans cette opération, c’est un juste retour. L’engagement est nécessairement collectif. On s’aperçoit que l’on peut être utile aux autres, c’est le sens même de Réseau Alliances. D’ailleurs, une des forces des entreprises de la région est sa capacité de se remettre en question et de se réinventer : c’est notre culture ». Un état d’esprit qui pousse le fabricant à transmettre chaque jour un peu plus son expérience. Pocheco continue d’écrire son histoire, en correspondance avec le vivant. 

 
*si les conditions sanitaires le permettent, 200 places seront ouvertes en présence sur le site de Pocheco à Forest sur Marque (59510) à partir de mai. 

Informations pratiques

Ouvrages

  • Edouard Sellier : Engager son entreprise dans la transition, Actes-Sud 2020
  • Emmanuel Druon : Écolonomie 2, 100 entreprises s’engagent, Actes-Sud 2020
  • Emmanuel Druon : Ecolonomy, 100 companies join the transition economy, Actes-Sud 2021
  • Emmanuel Druon : Écolonomie, entreprendre sans détruire, Actes-Sud 2016

Pocheco lors des Trophées de l’Economie Responsable en 2011