Né sur « la base d’une intuition », Sylvain Breuzard, président de Norsys, a développé un nouveau modèle de développement des organisations : la permaentreprise, où comment appliquer les principes de la permaculture au monde de l’entreprise. À l’origine de sa réflexion, un constat : « si la RSE a fait bouger les choses, elle n’est aujourd’hui plus suffisante, au regard de l’évolution du monde qui a continué de se dégrader, y compris sur le plan social. Pourtant, je pense que l’entreprise est la mieux placée pour faire bouger les lignes rapidement ». De ce constat, émerge un projet, celui d’accompagner la transformation des entreprises en se basant sur la permaculture, un concept théorisé dans les années 1970. « Le modèle de la permaentreprise ne vient pas en opposition à tout ce qui existe au nom de la RSE : c’est une structure chapeau. Je me suis aperçu que la permaculture était une vraie philosophie de vie. Ses fondateurs n’avaient pas pour ambition d’alimenter différemment les gens mais de rendre la terre habitable. Quand on décortique ce concept, on s’aperçoit que la permaculture repose sur trois principes éthiques, que j’ai retraduit dans la permaentreprise. Le premier est de prendre soin des êtres humains, le second de protéger la planète, le troisième de se fixer des limites et de redistribuer les richesses ». La permaculture propose ensuite douze principes de conception, douze « comment », que Sylvain Breuzard réécrit pour les adapter à l’entreprise « À l’époque, les fondateurs de la permaculture parlaient déjà de zéro déchet, de remise en cause, de vision globale. Ils avaient compris beaucoup de choses. Je me suis dit que je devais élaborer un modèle de développement des entreprises, basé sur la permaculture, modèle que j’ai expérimenté au sein de Norsys ».
Regénérer les ressources
Sylvain Breuzard propose ainsi une méthode pour développer la permaentreprise : définir une raison d’être à partir des trois principes éthiques indissociables, identifier les enjeux et élaborer un projet d’actions. Ces projets doivent être pensés dans une logique d’usage sobre, voire régénératif, des ressources. « Si je prends l’exemple de la régénération des ressources humaines, celle-ci peut se traduire par le fait de régénérer l’employabilité : en quoi les collaborateurs sont-ils mieux employables lors de leur passage dans l’entreprise ? Cela ouvre des champs peu explorés. Sur ce volet de l’employabilité, chez Norsys, nous avons des écoles par métier : ce sont des cursus apprenants qui s’étalent sur trois ans, avec des programmes de formation ponctuels sur deux ou trois jours. Là où la permaentreprise apporte quelque chose de nouveau, c’est qu’elle amène des objectifs d’impact. Ici, ce qu’il faut mesurer, ce n’est pas le nombre de jours de formation réalisé, mais en quoi l’employabilité des collaborateurs a-t-elle été améliorée à travers les dispositifs mis en place. Pour nous, seule une personne peut répondre : c’est le salarié. C’est donc lui qui évalue et non la direction ». Pour Sylvain Breuzard, se fixer des objectifs permet d’avoir un véritable impact. 23 sont identifiés et permettent à l’entreprise de développer ses propres référentiels, véritable outil de pilotage. « C’est le plus important : l’entreprise aura plus de sens si elle constitue son propre référentiel, ce qui n’empêche pas de s’inspirer des autres ». En s’emparant elle-même de ces sujets, l’entreprise s’autorégule : « l‘autorégulation, c’est se dire que, si cela vient de l’entreprise et non de l’extérieur, ce sera moins contraignant. Par exemple, il y a eu quatre lois pour l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes. Fondamentalement, il n’aurait jamais dû en avoir. Il a fallu que la quatrième loi parle de sanction et d’exigence pour faire avancer les choses. Si les entreprises sont dans l’anticipation de l’évolution des mutations, si elles sont dans un engagement de responsabilité, il y aura moins de normes, moins de loi. Voilà pourquoi l’autorégulation est importante ».
Agencer les parties-prenantes
Reste un dernier point : celui d’agencer les parties-prenantes. « La pédagogie, l’information, le fait d’embarquer les collaborateurs, passe par les projets. Chez Norsys, quand nous avons dit que nous souhaitions être en contribution nette et positive en carbone autour de 2025, nous avons présenté un plan pour réduire nos émissions. Cela a ses limites car malheureusement, nous ne pouvons pas tomber à zéro. Nous nous sommes dit que nous allions les compenser ». L’entreprise décide de contribuer au financement de projets, comme la plantation de forêts, pour compenser ses émissions sur le long terme. 12 796 arbres sont ainsi plantés en 2019. « Nous ne pouvions pas monter ce type de projet sans impliquer les collaborateurs, sans qu’ils puissent discuter avec des associations qui agissent pour replanter les forêts. Nous avons ainsi agencé les parties prenantes pertinentes pour le projet. Un logiciel a été développé, pour que chacun puisse suivre en temps réel et en fonction de ses déplacements, ses émissions de carbones et les arbres qui étaient plantés pour les compenser. Ici, vous transmettez de l’information. Actuellement, environ 50% des salariés l’utilisent. Peu à peu, les choses évoluent ». Aujourd’hui l’entrepreneur souhaite essaimer le modèle. Plusieurs groupes expérimentent le modèle en région (les entreprises intéressées dans les Hauts-de-France peuvent se rapprocher de Réseau Alliances et Norsys). « Si cela essaime, je monterai une école de la permaentreprise, pour former les personnes en interentreprise ou des cabinets, pour accompagner cette transformation ». L’entrepreneur a également sorti en livre dans lequel il détaille sa méthode. Le modèle se diffuse et s’enracine progressivement.
Informations pratiques
- Vous souhaitez expérimenter le modèle de la permaentreprise ? Nous proposons de constituer un groupe dans les Hauts-de-France. Renseignements : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- Consultez le site dédié : https://www.permaentreprise.fr/
- Découvrez le livre
Illustrations de couverture : © Étienne Appert
Les sites de l'ecosystème Réseau Alliances
