Shareajob facilite et amplifie le prêt de main-d’œuvre

Si le prêt de main-d’œuvre est déjà appliqué dans certaines entreprises, la démarche reste timide, voire inexistante dans d’autres secteurs d’activité. Pourtant, la pratique présente de nombreux avantages. Pour la développer et l’amplifier, Clément Hostache, fondateur de Share and Smile, a créé Shareajob, une plateforme de mise en relation pour faciliter le prêt de main-d’œuvre. 

 

210511 clement hostache min« 29 % des individus présenteraient une incohérence apparente de compétences dans leur métier ». C’est ce que révélait une enquête menée par l’OCDE en 2012, la seule au niveau international traitant des compétences des adultes. Selon France Stratégie, qui publie un rapport sur le sujet, « l’inadéquation de compétences – c’est-à-dire l’utilisation sous-optimale des compétences d’un individu dans l’activité qu’il exerce – peut constituer un facteur d’insatisfaction pour les travailleurs et un frein à la progression de la productivité ». Dans un monde du travail de plus en plus mouvant, la gestion des compétences représente donc un véritable enjeu pour les ressources humaines. Une des solutions pour fidéliser les talents est le prêt de main-d’œuvre. Pratique peu connue, elle est pourtant inscrite dans le code du travail. Pour faciliter cette démarche et l’amplifier, Clément Hostache a créé en 2020 Shareajob, une plateforme recensant les offres et les besoins de main-d’œuvre. « Les pratiques existent déjà, notamment dans le secteur de l’automobile. Par exemple, à Maubeuge, Renault a recruté plusieurs salariés d’un fournisseur pendant quelques mois, via le prêt de main-d’œuvre. Ce fournisseur devait faire face à une baisse d’activité pendant 12 à 24 mois, à la sortie de la crise de 2008. Tout le monde fut gagnant : l’employeur a gardé ses équipes qualifiées, sans les rémunérer. Les salariés ont été maintenus en activité, ils ont pu monter en compétences, découvrir d’autres pratiques. Pour Renault, l’entreprise limitait les risques de défaillance de l’un de ses fournisseurs ». 

 

 ❝ L’idée est que le prêt de main-d’œuvre devienne un véritable levier de gestion des compétences et des carrières. Clément Hostache, fondateur de Share and Smile

 

Le prêt de main-d’œuvre, un levier pour la gestion des carrières

Selon une étude réalisée par OpinionWay pour MonPortailRh et TEAM-metrics auprès d’un échantillon de 213 responsables RH en 2016, 43 % des entreprises ont déjà eu recours à ce type de démarche. « Il y a beaucoup de craintes avec le prêt de main-d’œuvre illicite, et un déficit de connaissance et de maîtrise du sujet. Et puis, ce n’est pas dans la culture de l’entreprise. Aujourd’hui, l’employeur est propriétaire de la force de travail de son salarié. Cette notion de propriété est très ancrée dans notre société, c’est ce qui peut freiner toute démarche de prêt de main-d’œuvre ». C’est là qu’intervient Shareajob : « les structures ne savent pas qui a besoin de quelle compétence, l’objectif de la plateforme est donc de créer des vases communicants en trouvant des besoins complémentaires autour de soi ». L’entreprise répond à plusieurs niveaux de besoins : le premier est la sensibilisation, à travers des conférences, des témoignages et des fiches d’inspiration, le second est l’éducation au sujet. « Il y a beaucoup d’employeurs qui souhaitent se lancer mais ne savent pas comment s’y prendre, et nous posent beaucoup de questions pratiques et juridiques. C’est pour cela que nous avons créé une formation en ligne résolument accessible, pour encourager et accélérer le passage à l’action ». Troisième niveau de besoin : le passage à l’action, à travers shareajob.pro. La plateforme de petites annonces entre employeurs est en accès et en contribution libre. Enfin dernier volet, l’accompagnement du changement. À terme, l’objectif de l’entreprise est de pouvoir intégrer le prêt de main-d’œuvre de manière structurante, dans la stratégie de l’entreprise. « Nous avons été sollicités par un groupe bancaire. Il souhaitait savoir comment mettre en place ce sujet-là entre ses différentes filiales. L’idée est que cela devienne un levier de gestion des compétences et des carrières. Par exemple, si vous avez un salarié à qui vous ne pouvez pas offrir un poste qu’il brigue, le prêt de main-d’œuvre peut être un bon levier pour le fidéliser et éviter qu’il se laisse débaucher ». Chaque convention signée entre les entreprises permet de border le cadre du prêt de main-d’œuvre, y compris en y mentionnant des clauses de confidentialité ou de non-sollicitation. 

 

Encourager les coopérations

210505 shareajobLe prêt de main-d’œuvre répond ainsi à de nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les ressources humaines. « Le premier est l’engagement des salariés, qui soulève la question du sens au travail. Le deuxième est celui de l’adaptabilité, où comment l’entreprise absorbe les chocs qu’elle peut rencontrer. Un autre enjeu qui me paraît important, c’est la coopération, le comment on fait avec » souligne Clément Hostache. Sur ce dernier volet, Shareajob travaille actuellement avec un groupe d’associations du secteur de la protection de l’enfance.  Cet acteur est confronté à un problème de recrutement sur des postes d’éducateur, un métier en forte tension. « Nous allons inviter leurs confrères pour étudier l’opportunité de créer un groupement solidaire. L’idée est d’amener du renfort quand les situations sont critiques, pour protéger les enfants et les salariés. Cela permet de prévenir des situations de burn-out par exemple ». Shareajob s’adresse aussi bien aux grandes entreprises qu’aux plus petites : récemment, l’entreprise a accueilli une directrice commerciale de Carrefour pendant 15 jours. « D’un côté, elle a pu s’inspirer des pratiques agiles des startups, de l’autre, elle a apporté des éléments structurants pour notre stratégie commerciale ». Un modèle gagnant-gagnant, y compris pour le salarié. « Il ne faut pas oublier le principal : le prêt de main-d’œuvre reste une démarche volontaire ! Ce n’est pas la porte ouverte à l’uberisation des compétences. Celles-ci sont valorisées, le collaborateur peut acquérir de nouveaux savoirs et réaliser des missions porteuses de sens. Il n’y a qu’à voir le succès du mécénat de compétences. Le prêt de main-d’œuvre peut lui aussi être un vrai levier d’engagement ». Fidéliser les talents : un enjeu de taille pour l’entreprise. Rappelons que, selon un récent sondage mené par le Boston Consulting Group (BCG) et Cadremploi, le contenu du poste et l’intérêt des missions représentent le premier facteur d’attractivité pour les talents Français.