Caroline Bottin, Kiabi : « la RSE doit être partagée et activée à tous les niveaux de l’entreprise »

De quelque chose « d’anecdotique », la RSE est aujourd’hui l’un des axes stratégiques de Kiabi. Fruit de l’engagement de quelques salariés, plus d’une vingtaine d’entre eux portent actuellement ces sujets au sein de l’entreprise. Un travail de fond et de pédagogie, que nous explique Caroline Bottin, responsable RSE.

 

210518 caroline bottinDevenue la norme dans de nombreuses organisations, la fonction RSE, inexistante il y a une vingtaine d’années, a su s’imposer progressivement dans le monde de l’entreprise. Nombre de directions RSE ont vu le jour grâce à la volonté et à l’implication des salariés, à l’image de Kiabi. Caroline Bottin est responsable RSE dans l’équipe du leader RSE depuis cinq ans. Elle pilote les sujets liés au bilan carbone, à la biodiversité et aux relations avec les parties prenantes. « Je fais partie des volontaires qui ont lancé la démarche en interne il y a dix ans, en février 2011. À l‘époque, nous étions un petit groupe, il s’agissait d’une mission complémentaire, entre midi et quatorze heures, sans moyen et sans mission. Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine à agir en direct pour la RSE. Celle-ci est née grâce à la vision des collaborateurs. On sentait un mouvement venu du bas, soutenu par le PDG de l’époque. À partir de 2017, nous avons vraiment commencé à travailler avec la direction. La RSE est aujourd’hui un des axes de la vision de l’entreprise. De quelque chose d’anecdotique, cela est devenu quelque chose de central, même s’il reste du chemin à parcourir dans sa mise en œuvre ». En 2019, l’enseigne présente sa feuille de route, Kiabi Human, et identifie plusieurs actions à mener dans les années à venir.

 

Une offre 100 % éco-conçue d’ici 2030

« Le premier chantier prioritaire que nous avons est le produit. Aujourd’hui, par sa matière première et sa fabrication, celui-ci représente 77 % de nos émissions (selon notre bilan carbone) et 99 % de nos impacts sur l’habitat (selon notre bilan biodiversité) ». L’entreprise, membre du Fashion Pact, vise plusieurs objectifs, notamment celui de proposer une offre 100 % éco-conçue d’ici 2030. Pour y parvenir, Kiabi initie une démarche d’écoconception, que Caroline Bottin est chargée de mettre en œuvre. « Je me suis lancée dans les analyses de cycle de vie que nous avons ensuite complétées avec un bilan carbone et un bilan biodiversité, pour disposer d’indicateurs ». L’analyse de cycle de vie réalisée démontre que les impacts portent sur trois aspects : les matières premières, les processus de fabrication du produit et l’usage par le consommateur. « Vous pouvez réfléchir à la recyclabilité du produit, aux matières utilisées mais 50 % de l’impact d’un vêtement provient de son usage au quotidien : lavage, repassage, séchage... Nous développons des communications dans les magasins ou sur le site internet pour sensibiliser le client. Mais nous avons aussi dû révolutionner les pratiques en interne, en changeant les mentions de lavage de 30 degrés à 40 degrés sur les étiquettes. Cela impacte les procédures, les vérifications de conformité en entrepôt. Il a fallu un an pour le faire. Aller chercher les métiers et les faire évoluer dans leurs gestes du quotidien, c’est très important ».  

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Borne de collecte en magasin

Évoluer dans un contexte mondialisé

Pourtant, changer les pratiques, internes comme externes, n’est pas chose aisée : l’entreprise est présente dans 19 pays et emploie plus de 10 000 collaborateurs. « Entre le cotonnier et la personne qui va confectionner le vêtement, il y a sept intermédiaires. Notre difficulté est le morcellement de la supply chain. Si nous estimons que nous avons plus de 500 usines avec qui nous travaillons en direct, ce sont probablement des milliers d’usines en amont qui produisent les zips, les fils, les boutons... Nous ne gérons pas toute la chaîne en direct. L’avenir est dans la maîtrise de la supply chain, sans forcément l’intégrer, mais en réfléchissant aux types de partenariats pérennes que nous pourrions nouer ». Une présence « au bout du monde » complexe, certes, mais qui n’est pas pour autant jugée négative : « il y a des problématiques secondaires.. Compte tenu de la taille que nous avons, quand nous transportons 120 millions de T-shirts, nous veillons à utiliser le bon bateau, avec le bon fioul et la bonne vitesse. Le transport représente 1 % de nos impacts par exemple. Nous travaillons sur l’ensemble de ces sujets, qu’ils soient prioritaires ou secondaires car tous ont des conséquences » souligne Caroline Bottin. Une réflexion globale, que mène l’entreprise sur l’ensemble de ses impacts.

C’est tout un travail que de prouver que la RSE est une démarche pérenne et féconde pour l’entreprise


Partager pour progresser

Si Kiabi a identifié des chantiers prioritaires, un de ses enjeux est également la sensibilisation de ses collaborateurs : « c’est un sacré challenge pour irriguer l’information, mais il y a une appétence énorme de la base ». L’entreprise multiplie les relais, s’appuyant sur son réseau social interne, organisant des webinaires sur la biodiversité et encourageant ses collaborateurs à participer à des évènements comme le World Forum for a Responsible Economy. « Nous essayons qu’un certain nombre de collaborateurs puisse profiter de l’évènement, c’est une vraie bouffée d’oxygène. Ils peuvent assister à des ateliers sur d’autres métiers : c’est un temps d’ouverture qui les réjouit par la qualité et la diversité des sujets ». En parallèle, Caroline Bottin partage également son expérience et prend part à de nombreuses actions de Réseau Alliances, comme le club des référents RSE : « j’ai pu notamment présenter la manière dont nous avions écrit notre stratégie avec le comité de direction ». Pour elle, c’est en parlant de la RSE avec simplicité et du quotidien des collaborateurs que les choses bougeront. « L’effort à faire est grand et en moins de 10 ans. Aujourd’hui, il faut faire mieux, au même prix : la notion de rentabilité est compliquée, c’est toujours tentant de reculer. C’est tout un travail que de prouver que la RSE est une démarche pérenne et féconde pour l’entreprise. La RSE ne doit pas être l’affaire d’une équipe support, ni d’une équipe de direction, ce doit être le vecteur d’un changement profond dans tous les métiers de l’entreprise ».